François René de CHATEAUBRIAND : le point de vue de l'usager.

 
Chateaubriand

 
S'il est un auteur qui fait très souvent référence au télégraphe, c'est bien François-René de CHATEAUBRIAND.
Il s'y est intéressé en tant qu'écrivain, par exemple lorsqu'il analyse la période napoléonienne :
" ... tout à coup le télégraphe annonça au braves et aux incrédules le débarquement de l'homme... pendant vingt ans, Bonaparte marche par étapes : ses aigles volent de clocher en clocher... ".
Mémoires d'Outre-Tombe,T. II, L. XIX - XXIV, 1848/1850, (Ed. du Livre de Poche).

Mais il s'y est surtout intéressé en tant qu'usager, à cause de hautes fonctions qu'il exerça après la chute de l'Empire (*).
Ambassadeur à BERLIN (1821) et à LONDRES (1822), il a un avantage sur ses collègues : l'usage du télégraphe lui permet d'être informé avant tout le monde :
"...si la chose en vaut la peine, j'enverrai un courrier extraordinaire ; ... Vous pourrez être instruit par le télégraphe vingt-quatre heures avant le reste de l'Europe et expédier, si vous le voulez, un courrier pour Vienne ... ".
Correspondances, (*)

Appelé au Ministère des Affaires étrangères à partir d'octobre 1822, il va se servir du télégraphe de façon intensive, mais toujours en doublant ses lettres " par air " (Sic) par du courrier " par terre " (re-Sic) : il ne connaît que trop bien les problèmes de transmission, notamment ceux qui sont liés aux conditions atmosphériques.
 
Le télégraphe va lui permettre d'informer ses instances supérieures sur les événements militaires espagnols de 1823/24, mais toujours avec plusieurs jours d'avance sur les moyens traditionnels.Mais quelle angoisse aussi lorsqu'il s'agit d'attendre les informations :
Palais des Tuileries en 1821 " Lorsque nos vaisseaux n'avaient pas jeté l'ancre à heure fixe, que nos troupes n'avaient pas cheminé assez vite, que telle opération n'avait pu avoir lieu faute d'embarcations, de transports, de munitions, j'étais au supplice. Au jardin des Tuileries, je regardais jouer le télégraphe, espérant ou craignant la nouvelle qui traversait l'air sur ma tête. "
 
Mémoires d'Outre-Tombe, T. III, op.cit. (*)

Le 6 juin 1824, il est chassé du gouvernement et n'a plus accès au télégraphe jusqu'en juin 1828, date à laquelle il devient Ambassadeur de France à ROME. L'invention de Claude CHAPPE va lui permettre à nouveau de transmettre très rapidement les informations. Dans une correspondance du 8 avril, il écrit :
" Au moment où je vous écris (8 avril), je n'ai point encore de nouvelles de mon courrier à cheval annonçant la mort du Pape (10 février !), et pourtant le pape est déjà couronné, Léon XII est oublié ...., et j'ignore si vous savez même à Paris qu'il y a un nouveau pontife ! (...)J'en étais là de ma lettre lorsqu'un courrier qui m'arrive de Gênes m'apporte une dépêche télégraphique de Paris à Toulon (...) La rapidité de ces communications est prodigieuse ; mon courrier est parti le 31 mars, à 8 heures du soir, et le 8 avril, à 8 heures du soir, j'ai reçu la réponse de Paris ".
Mémoires d'Outre-Tombe, T. III, op.cit. (*)

Le penseur n'est jamais loin du politique. Dans une correspondance de 1829 avec PORTALIS, membre du Gouvernement, il émet une idée véritablement d'avant-garde concernant le télégraphe :
" ... aujourd'hui, avec des gouvernements publics, avec la liberté de la presse et de la parole, avec le télégraphe et la rapidité de toutes les communications (...) on est à l'abri des tours de gobelet et des finesses de la vieille diplomatie. " 
Mémoires d'Outre-Tombe, T. III, op.cit. (*)

CHATEAUBRIAND démissionne en mai 1829 et perd définitivement le droit à l'utilisation du télégraphe. Jusqu'à la fin de sa vie cependant, il va devenir lui-même l'objet de nombreuses dépêches. Opposant au nouveau régime de la Monarchie de juillet, il va accepter diverses missions au service des Légitimistes, et le télégraphe avertit les autorités de ses allers et venues qui inquiètent suffisamment le régime de Louis-Philippe.
La dernière dépêche qui le concerne partira après sa mort en 1848 : elle émanera du Préfet pour demander à la Garde Nationale de participer au service funèbre de ce grand penseur et serviteur de l'Etat monarchique.
 
(*) Les lignes qui précèdent ont été modestement inspirées et quelques citations (sur une bonne soixantaine) ont été empruntées à un ouvrage absolument remarquable et passionnant de Alfred et Théotiste JAMAUX, Glanes en " Mémoires " de François René de Chateaubriand, Ed. Danclau, 1998

 

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SOMMAIRE I V. HUGO I H. de BALZAC I CHATEAUBRIAND I STENDHAL I
A. DUMAS I G. FLAUBERT I ERCKMANN-CHATRIAN I Florilège I
TEXTES FONDATEURS


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