Un texte datant de 1800 nous décrit l'émerveillement
d'un voyageur allemand, Johann Georg Heinzmann, qui découvre
pour la première fois la ligne télégraphique
Paris-Strasbourg construite à l'occasion du traité
de Rastadt :
"...Une seconde invention capitale est le Télégraphe,
ou la poste aérienne. Au moyen des rayons de la lumière, des signes
artificieux sont aperçus d'une distance à l'autre - On
obtient ainsi l'avantage de faire parvenir en moins d'une heure
des ordres ou des nouvelles dans un éloignement de plus de cent
lieues. L'inventeur Chappe a jusqu'ici gardé pour lui le secret
de cette invention, et on ne voit que les formes extérieures des
machines. Tout le mécanisme intérieur est tenu secret, et le C[itoyen]
Chappe à Paris, instruit avec le plus grand soin et beaucoup de
prudence les gens qu'il veut y employer. Les descriptions qu'on
a faites ailleurs du Télégraphe, ne sont que superficielles pour
les curieux, le scrutateur ne saurait en être satisfait.
Ces machines furent
construites pour la première fois pendant l'été de 1791, et dans
toute l'étendue de la France. Elles dépendent immédiatement du
Gouvernement. Le
Télégraphe écrit à la distance de deux, trois et même six lieues,
suivant que des montagnes ou d'autres obstacles interceptent le
point de vue; des gardes y veillent jour et nuit avec de bonnes
lunettes d'approche.
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La communication des nouvelles reste souvent un mystère
pour les stations intermédiaires et celui qui n'a pas
la clef des signes ne peut en donner l'explication. Un
épais brouillard peut seul en interrompre la communication;
dans ce cas on répète le mouvement de la machine à diverses
reprises, et en différents tem[p]s. On ne construit les
édifices télégraphiques qu'en bois; on les pose préférablement
sur des hauteurs, ou on les plante sur des églises, ou
autres bâtiments élevés. J'en ai trouvé au bord des grandes
routes, ils sont aussi élevés que les plus hauts sapins.
C'est un quarré (Sic ! ) sans murailles et la charpente
en est à découvert. - On monte à la cime avec des échelles
ou de petits escaliers de bois.
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Lorsque
je vis pour la première fois le Télégraphe en mouvement,
il me parut comme une couple de poutres minces entrelacées,
qui montoient et descendoient, faisant des cercles, des
mouvemens verticaux, tantôt prompts, tantôt lents, restant
subitement tranquilles et se remettant ensuite dans un
mouvement circulaire; elles étoient tantôt dans une situation
inclinée, tantôt horizontale, montant et s'abaissant de
côté. - Je me trouvai ainsi au pied de la cathédrale de
Strasbourg, sur laquelle on a bâti un très beau Télégraphe.
Aucune invention ne fait plus d'honneur à l'esprit humain.
J'admirai avec vénération et un regard solemnel le Télégraphe
en mouvement, lorsqu'il transmit des nouvelles de Rastadt
à Paris.
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Je fus étonné
des Français et de toutes leurs belles actions. - La distance
de Paris à Strasbourg est de 110 lieues, et au moyen du Télégraphe
on peut en 30 minutes y faire savoir les nouvelles. A
Paris il n'existe qu'un petit Télégraphe sur le Louvre, le Télégraphe
principal se trouve à Montmartre (*) à une lieue et demi de Paris.
Il y est plus isolé et plus élevé que dans le vaste Paris, où
au milieu de tant de hautes tours, il ne pourroit pas aussi bien
donner les signaux dans toutes les directions..."
Johann
Georg HEINZMANN
Voyage d'un allemand à Paris et retour par la
Suisse, pages 201/204
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Notes:
- Orthographe et ponctuations ont été respectées.
- Les illustrations ne figurent pas dans le texte original bien
entendu
(*) Heinzmann se trompe puisque les premières stations
de la ligne de Paris - Strasbourg sont l'église St Sulpice,
puis Ménilmontant. Les stations du Louvre et de Montmartre
sont celles de Paris-Lille.
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